PLAINTES D'UNE FEMME DECUE
L'hommage de leurs vers qu'à l'envi les poètes
A la femme déçue offrent toujours ardent
Flatte certes le but, mais n'apaise la quète :
L'attente a des plaisirs qu'on ne fait qu'un moment
Aussi, jouet des vents qui l'hiver me rudoient,
Sur des talus où vont se fannat mes appas,
En un dense réduit où je n'ai point de joie,
Veux-je conter ce don que Thyrsis bafoua.
Las ! le pâle Thyrsis avait la mine austère :
Le sentant sur le banc près d’elle un peu tarder
L’amante bien des fois lui fit en vain la guerre
Ferme et froid cependant, jamais il ne doutait.
Pour voir se dénouer ce vœu, que de tendresse !
Que, docile à sa voix et promise à son lit,
J’eusse aimé dans ses bras m’adonner à l’ivresse !
Mais, le vin que j’offrais jamais ne le conquit.
Ses doigts pouvaient jouer aux fous entre mes tresses,
D’un vent hardi parfois copiant les effets :
Il fallait à mon but, d’autres riens, des caresses
Moins lourdes dont mon goût se fut mieux satisfait.
Aux livres confiée une peine farouche
Cède à des plaisirs doux qui lui prêtent un fard,
Mais l’ouvrage choisi quand j’abordai ma couche
Me fit perdre la tête et je luttai sans art.
Certain jour, face aux bois, je me crus bien lésée :
Le vent sifflait, la chasse au loup battait son plein ;
La bête bien tapie était près de l’orée :
Ah ! que le son du cor semblait clair et prochain !
Voyant un nid offert sur la mousse allongée,
Je sentis tout en moi la peine qui fondait,
Quand presque quitte au but il m’a soudain laissée :
Il jouit de mon trouble et ne fit que passer.
Achève, dis-je, et mets céans la vierge en terre !
Les couleurs de mon don te laissant sans émoi,
Accorde au moins ce but, cruel, à ma prière :
De ce fer qui fait mon envie, ah ! perce-moi !
Il flétrit mes « ave » d’une parole amère :
Je priais pour gagner le plus mâle des sots !
D’un don coûteux je sus la cruelle misère :
Aux mythes pour le bien je renonçai tantôt.
Mais, que te mine un jour ta peine sur ces rives :
Ton cri restera vain ; ta voix clamant tes maux,
Pour ce mal que tu fis à l’amante naïve
Ne trouvera de mont qu’attendrisse l’écho !